dilluns, 23 de març del 2020

(Re) lire La Peste au temps du coronavirus

dans le cadre du télétravail puisqu'on est en confinement, je me suis mise à relire La Peste, dans l'idée de proposer un article pour le blog des bibliothèques de Barcelone [ bibarnabloc.cat ] et puis, dans la foulée, là, je me le suis traduit - un exercice curieux, pour moi, à vrai dire, inhabituel, l'autotraduc du catalan au français - afin de le consigner dans ce blog de carabistouilles et autres:

La Peste, d’Albert Camus, se vend, se lit et se relit beaucoup, partout, ces derniers temps et quoique cela  puisse sembler évident, on peut se demander pouquoi, pour quelles raisons exactement. Que peut-on bien chercher – et éventuellement trouver – en ces temps de coronavirus et de confinement, dans un roman publié en 1947 et dont l’action se situe à Oran ? Quelles clés pour la compréhension de ce qui nous arrive et pour notre survie ? Quels regards sur la peur, la dignité en ces temps de pandémie, quels portraits de l’amitié, l’amour, la haine, la solidarité et l’engagement nous donne ce roman qui fait effet de miroir à notre angoisse existentielle ?
Un temps de confinement indéfini est, certainement, un temps à mettre à profit pour lire ou relire les classiques de la littérature universelle et La Peste en est un. La Peste ne peut pas nous distraire de nos soucis, loin de là, en revanche, le roman nous présente des prises de position et des points de vue différents et nous invite, si on le veut bien, à faire une lecture philosophique de tout “cela“ qui est en train de se passer.
L’origine  du roman remonte à une épidémie de choléra, en 1849 à Oran, au Nord de l’Algérie (un des deux pays de Camus, avec la France) et comme dans tous les classiques, – ou est-ce pour cela que ce sont des classiques ?- on y trouve des destins individuels, tous tressés ensemble et fondus dans une  histoire collective et lire La Peste implique – ou permet – plusieurs couches d’interprétation : un temps, un endroit et un fléau particuliers deviennent tous les temps, tous les endroits et tous les fléaux. Le choléra est la peste et aussi la peste brune (nazisme) et bien entendu, le coronavirus ; Oran en 1849, c’est Oran au milieu du XXème siècle et c’est n’importe quelle ville de Chine, d’Italie, du monde, c'est Barcelone, juste maintenant, en 2020. Les télégrammes du roman sont nos whatsapp, facebook et instagram.
La peste devient le nom générique de  toutes les maladies contagieuses, de toutes les épidémies physiques et mentales. “Les pires épidémies sont morales” disait Camus (1947: temps de dictadures et de guerres à peine finies) “et les seuls remèdes sont forcément moraux aussi”. La peste est amenée par les rats, la peste brune, par les totalitarismes. Pourrions-nous penser notre temps actuel, un temps pris dans les griffes du coronavirus, en termes de totalitarismes ? Comment fonctionne notre économie, qu’est-ce que la globalisation, exactement ?
La Peste fait partie du cycle de la Révolte, avec L’Homme révolté et Les Justes (différent du cycle de l’Absurde l’autre pilier de la philosophie de Camus). Chez Albert Camus, c’est l’amour qui triomphe – le Dr Rieux a une capacité inouïe à aimer – et si la vie est absurde et n’a pas de sens, la plus grande victoire, la révolte parfaite, c’est la joie, le bonheur de vivre, la recherche d’un sens à la vie à l’intérieur de notre propre vie.
Il est impensable, pour le moment en tout cas, qu’on puisse un jour dire du coronavirus qui nous confine et nous inquiète “à quelque chose malheur est bon”. Pour le moment, c'est un peu trop dur et déconcertant. Il se peut, par contre, et d’une certaine façon c’est ce que nous espérons tous, que les individus, les sociétés, l’ humanité, ressortent de là grandis. Quel rôle joue la peste dans le roman ? Quel rôle joue et continuera de jouer ce virus dans nos vies ? Pour l’heure, c’est une bête implacable qui nous oblige à être avec nous-mêmes, à méditer sur le temps qui passe (ou sur notre manière de le passer), sur notre vie personnelle et nos choix tout au long de notre trajectoire, sur la vie en société, la mort...
L’épidémie est, tout à coup, et si nous jouons le jeu – ou si nous relevons le défi, plutôt -, une école de vie, un cours intensif de développement personnel. La consigne de confinement est la même pour tout le monde, chacun-e avec ses circonstances particulières (santé mentale et physique, enfants, animaux de compagnie, jardin, de la famille loin, télétravail, pertes ou non de gains, il y a tant de paramètres...) et le travail préliminaire que chacun-e aura effectué sur ses peurs, sur  la solitude, sur la passion de vivre aura aussi son mot à dire.
Quelle leçon tirerons-nous de ces temps si difficiles ? Quelle leçon les humains ont-ils tirée de la grippe espagnole, la terrible Influenza de 1918 ? de la grippe aviaire, des vaches folles, de l’Ebola, de tous les fléaux qui continuent à dévaster l’Afrique ? Et ces dernières années, quelle leçon avons-nous tirée jusqu’à présent, de la recrudescence des maladies respiratoires à cause de la pollution massive de l’air que nous respirons ?
Cette periode forcée de séparation d’avec nos êtres aimés et nos routines sera-t-elle une opportunité, au bout du compte ? Sinon pour nous, pour ceux qui viennent ? Nous sentons maintenant la fragilité de la vie parce que nous pressentons notre fin et la fin d’une époque que nous connaissons et “maîtrisons à peu près, plus ou moins bien ”. Serons-nous capables d’apprendre la compassion dont les grands sages de partout nous parlent depuis si longtemps et une bonne fois pour toute, l’amour de la Terre Mère, la Pachamama, comme on dit en terres andines ? Arriverons-nous à donner la priorité, enfin, à la vie, à freiner un rythme frénétique de croissance économique, et donc d’inégalités ? À repenser un ordre bénéfique pour le plus grand nombre de personnes et êtres vivants ? Dans La Peste, le Dr Rieux ne veut être qu’ “un homme solidaire avec les vaincus”.
“Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus” écrit Albert Camus. C’est grave... ou en est-il simplement ainsi ? Pourrions-nous changer quelque chose ? “La seule façon de s’en sortir quand on est un être humain, c’est de considérer que rien n’est n’est immuable, et la peste non plus”. Dans le roman, le chemin parcouru par chacun des personnages est fascinant. Chacun a quelque chose à nous apprendre. La leçon la plus magistrale, peut-être, est que si nous ne formulons pas les bonnes questions, il est sûr et certain qu’a peine sortis d’une crise, nous préparons directement le terrain pour la prochaine crise... la prochaine  peste. À la fin du livre, les gens ressortent dans la rue, heureux, le coeur léger, et c’est bien ce que nous désirons de toutes nos forces, en ce moment, sortir le coeur léger. Les gens sortent et rient... et Camus, par-dessus leurs rires, nous invite à nous poser la question : des gens simplement heureux ou... des imbéciles heureux ?
Pour le moment, La Peste, sous forme de roman, se propage partout, elle va sur les traces du coronavirus: pourvu, cette fois-ci, qu’elle nous touche en profondeur, durablement et qu’au sortir de cette lecture et de ce confinement, de cette pandémie, nous soyons mieux disposés, plus engagés, solidaires et pleins d'amour et de respect pour la Planète ! Authentiquement, viablement heureux.
Bonne (re)lecture ! Et ceci est un hommage et un remerciement pour tout le personnel soignant, tous les Drs Rieux du coronavirus pour la tâche immense qu’ils accomplissent, tous !

***
Sources: reflexions personnelles au cours de la relecture, nourries des apports de l’avalanche de commentaires et d’articles qui ont été publiés tous ces jours-ci autour de La Peste au temps du coronavirus. Écrire sur La Peste, n’a pas été un choix original, simplement une évidence.

Allez, à bientôt, Muriel (et prenez bien soin de vous ! restez à la maison !!!)

 Pdf gratuit:  bouquineux.com-telecharger-Camus-La-Peste

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